Nº 1 - Automne 1997

Noir sur blanc - In Black and White : Une autre façon de voir


PROJET DE GESTION DE L'EAU ET DES SOLS SUR LES FERMES

Une grande première en Egypte

Au début de l'été 1997, une firme de Calgary, Agra Earth & Environment Ltd, donnait le coup d'envoi d'un projet expérimental de gestion de l'eau et des sols dans le delta du Nil, en Egypte, plus particulièrement dans la région de Kafr-el-Sheik et de Kutor. Le but du projet : améliorer la qualité de l'eau et des sols, accroître l'efficacité de l'irrigation et atténuer la pollution causée par l'épandage de pesticides, de fertilisants et de matières organiques. En d'autres mots, relever les grands défis environnementaux et socioéconomiques que posent l'eau et les sols en Egypte. Le projet devait être durable sur le plan de l'environnement, sensible à l'économie, acceptable socialement et adaptable nationalement.

La réforme agraire qui s'est opérée en Egypte et qui reflète la stratégie de 1990, a entraîné des changements majeurs auxquels le peuple égyptien doit s'adapter : libéralisation graduelle du commerce intérieur et extérieur, déréglementation de la production, suppression du contrôle des prix et privatisation de la production et de la distribution agricoles.

En Egypte, les agriculteurs composent 37 % de la population active. Le Nil fournit environ 96 % de l'eau consommée et 85 % vont à l'agriculture. Mais la demande croissante de l'industrie et l'augmentation de la population font en sorte qu'il est important de s'occuper de l'efficacité de l'eau.

Comme l'a confirmé Rudy Wouts, ingénieur en chef d'Agra Earth & Environmental à l'équipe de Noir sur blanc - In Black and White (NBW), le projet qu'il dirige en Egypte met l'accent sur le renforcement de la participation des collectivités et sur la participation des femmes et des hommes dans les prises de décision qui les concernent. Il fait aussi la promotion de la collaboration entre les fermiers, prévoit la mise au point de mécanismes visant à assurer la durabilité des initiatives, qui consiste à promouvoir une économie de marché et des mécanismes financiers. De plus, un fonds spécial est destiné à mettre au point une stratégie basée sur le sexe qui prévoit l'abolition des contraintes de telle sorte que les hommes et les femmes participent sur le même pied d'égalité. Enfin, ce projet veut bâtir des liens durables entre la collectivité agraire et le secteur privé.

Le grand défi d'Agra Earth Environment : changer les mentalités des parties en cause et servir de catalyseur entre elles.

Ce n'est pas pour rien que ce chantier durera sept ans. Pour le mener à bien, Agra Earth doit avancer avec précaution et tenir compte des différences culturelles. Comme l'a précisé Rudy Wouts, le gouvernement égyptien est le maître incontesté de l'eau et de l'usage qu'il en fait. Il ne consulte pas les fermiers à qui il la fournit selon son bon vouloir. Mais il reconnait que son agriculture va mal et que l'eau du Nil est une ressource limitée, mal utilisée de surcroît. Il a donc demandé au gouvernement Canada de l'aider à mieux gérer son eau et de rendre les terres plus productives. Mais si certains membres du gouvernement sont en faveur du projet, d'autres s'y opposent. D'autres ne comprennent tout simplement pas pourquoi les fermiers doivent être consultés et pourquoi leurs besoins entrent en ligne de compte.

Pour leur part, beaucoup de fermiers égyptiens se disent mécontents de leur gouvernement et sont heureux de voir arriver les Canadiens. Peut-être, ajoute Rudy Wouts, croient-ils que les Canadiens sont là pour leur donner de l'argent, comme le font les Américains. Lorsque les Américains arrivent en Egypte, en effet, ils construisent de gros édifices qui font la fierté des Egyptiens. Mais ces édifices rutilants aident-ils les fermiers ou plutôt le gouvernement? Agra Earth devra tout d'abord expliquer aux Egyptiens que le projet n'a pas pour but de construire des édifices mais d'aider les fermiers à mieux gérer leur eau et leur sol.

Des fermiers qui n'ont que faire des édifices et des laboratoires. Rudy Wouts cite à titre d'exemple un laboratoire situé à Kafr-el-Sheik, dans le delta du Nil. Les chercheurs qui y travaillent sont superbement bien équipés, ont des idées précises sur les choses à faire en matière d'irrigation et pensent savoir ce dont les fermiers ont besoin. Mais dans leur esprit, les fermiers sont des ignorants qui font beaucoup de bruit, sans plus. Par conséquent, l'information reste dans les laboratoires et n'arrive jamais jusqu'aux fermiers. Il n'est facile pour personne de laisser aller le pouvoir et le contrôle.


L'objectif d'Agra : convaincre les agriculteurs que ce projet leur appartient et que la réussite dépend d'eux

Ce n'est pas une tâche facile! affirme Rudy Wouts. Les Egyptiens veulent du concret, tout de suite. Or, Agra doit leur faire comprendre qu'il peut s'écouler une année avant d'obtenir des résultats tangibles. La compagnie canadienne doit également convaincre le peuple égyptien d'inclure la femme dans le processus décisionnel. D'autant plus que les femmes jouent un rôle capital dans les fermes : elles produisent la nourriture, la récoltent et la préparent. Il est donc essentiel qu'elles aient accès à de l'eau potable.

Une approche tout en douceur

Les négociations et consultations diverses entre l'ACDI et le gouvernement égyptien ont duré trois ans. Agra Earth a ensuite mis en place un plan d'action à la lumière des recommandations de l'ACDI. Au moment de l'entretien, la compagnie canadienne avait déjà dépêché sur le terrain trois spécialistes en développement et en économie sociale. Fin septembre, une quatrième personne devait les rejoindre. Son champ d'action : l'engagement et la participation. À eux quatre, ils s'appliquent à mettre sur pied des équipes composées de fermiers de tout âge, hommes et femmes confondus et, avec leur aide, de cultiver un lopin de terre. Agra est confiant que si l'opération réussit, si on obtient trois récoltes annuellement au lieu de deux, tout en utilisant moins d'eau et moins de pesticides, les autres fermiers se laisseront convaincre d'opter pour les changements.

Le projet d'Agra est financé par l'ACDI dont la contribution s'élève à 18.9 millions de dollars étalés sur une période de 7 ans. Le gouvernement égyptien fournit des locaux et des bureaux et le Canada ne paie ni droits de douanes ni taxes à l'Egypte. La main d'oeuvre est égyptienne et canadienne à proportion égale.

NBW a finalement demandé à Rudy Wouts ce que le Canada retirait d'une telle expérience. " Nous vivons dans un petit monde, a-t-il répondu. Les relations entre les pays sont délicates et le potentiel d'échange de connaissances, de produits et de services est vaste. Les Canadiens sont différents de leurs voisins du sud et parce qu'ils travaillent avec le coeur, ils sont très bien accueillis partout, ce qui est un cadeau du ciel de nos jours."

L'entrevue réalisée avec Rudy Wouts parait intégralement dans la version anglaise du journal. Ce texte ne constitue qu'un résumé.


Octobre 1997
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