Nº 1 - Automne 1997

Noir sur blanc - In Black and White : Une autre façon de voir


LES FEMMES ET LES DÉFIS DE LA GESTION DE L'EAU À BAMAKO, MALI
par Élizabeth Côté
Coordonnatrice d'un projet de lutte contre la malnutrition infantile
dans les quartiers périphériques de Bamako

L'expérience de Sabalibougou

L'intérêt particulier de ce quartier situé, lui aussi, en périphérie de Bamako est qu'ici, on est venu répondre à une demande spécifique des femmes. Avec la collaboration du programme de développement urbain du District de Bamako, l'Unicef a d'abord mené une enquête auprès des femmes de Sabalibougou pour identifier leurs besoins les plus urgents.

Au départ, la mobilisation a été difficile. Les activités de sensibilisation ont néanmoins porté fruit. Une fois regroupées et informées, les femmes de Sabalibougou se sont rendu compte qu'elles pouvaient concrètement améliorer leurs conditions de vie. Une trentaine d'associations ont été formées pour faciliter la sensibilisation, laquelle s'est poursuivie durant de six à huit mois. Deux problèmes ont été retenus comme étant plus pressants : les besoins en eau et l'alphabétisation.

Un comité de suivi constitué de deux femmes, d'un représentant des jeunes et d'un délégué de l'administration municipale a été parallèlement constitué pour la mise en place des infrastructures hydrauliques, en l'occurrence des pompes actionnées à l'énergie solaire.

Deux points d'eau ont été installés, munis chacun d'un château d'eau pouvant approvisionner environ 300 ménages. Contrairement au projet décrit plus haut, la communauté n'a pas été tenue de contribuer monétairement à la mise en place des installations.

Les activités reliées à l'eau ont été articulées à d'autres activités. Des cours d'épargne et de crédit, mais aussi d'alphabétisation ont été organisés, les femmes y cotisant chacune 50 francs CFA (environ 12 cents). Les sommes recueillies ont servi à financer des activités génératrices de revenus : savonnerie, teinturerie, etc.

Des sous-commissions s'occupent respectivement du contrôle, de la gestion financière, de la sécurisation des pompes solaires, du relevé des compteurs, ainsi que de l'hygiène et de l'assainissement. Chacune de ces instances est constituée de deux femmes, d'un jeune qui représente les quatre secteurs du quartier, et d'un représentant de la mairie. Une partie des recettes provenant de la vente de l'eau est mise de côté pour l'entretien et l'amortissement des installations. Le surplus est déposé dans un compte d'épargne à partir duquel sont octroyés de petits crédits finançant une variété d'activités surtout économiques.

Les femmes de Sabalibougou ont d'ores et déjà prouvé à leur communauté, à l'administration et autres partenaires que, lorsqu'elles sont bien préparées, elles peuvent gérer de façon efficace. Elles ont démontré qu'elles sont aussi capables, sinon plus, que les hommes de gérer correctement des infrastructures d'approvisionnement en eau.

À Sabalibougou, le projet a été conçu plus spécifiquement pour les femmes. Cela a donné à ces dernières la possibilité d'y tenir les rôles importants. Ce qui soulève la question suivante : pour que les femmes obtiennent leur part de responsabilité et fassent leurs preuves dans la gestion des services communautaires, doit-on, dans certains cas tout au moins, maintenir les hommes à l'écart ? S'agit-il d'un passage obligé vers un équilibre démocratique dans la gestion des services de ce type?

Perspectives

Ce qui est certain, c'est que l'implantation d'une gestion véritablement démocratique de l'eau se heurtera pendant des années encore à de nombreuses contraintes. L'une d'elles est l'hétérogénéité des populations, surtout en zone urbaine, dont les identités ethniques, les appartenances religieuses, les filiations politiques et les niveaux de formation sont disparates, sans oublier le degré inégal d'enracinement des populations immigrées, ni les critères habituels d'âge et de sexe. Les membres d'une même collectivité ne partagent donc pas les mêmes intérêts. Ils n'ont pas non plus un égal accès à la parole publique.

Or, le processus participatif repose sur une mobilisation sociale préalable à toute dynamique de développement.

L'approvisionnement en eau potable et l'assainissement du milieu sont indispensables au développement humain durable. Dans un environnement où, comme dans certains quartiers de Bamako, la majorité de la population est obligée de consommer une eau insalubre à cause d'une nappe phréatique polluée, il ne doit pas être oublié qu'au-delà de la mise en place des installations physiques, les programmes d'intervention doivent contribuer à former les communautés démunies en matière d'hygiène de l'eau et de traitement des maladies hydriques.

Enfin, il devient de plus en plus évident que les initiatives d'approvisionnement en eau potable ne doivent pas être menées de façon isolée. Elles doivent, autant que possible, s'insérer dans des démarches englobant d'autres éléments nécessaires au développement soutenu des populations.


Août 1997

Source : Le Centre canadien d'étude et de coopération internationale (CECI)


Retour au menu
Retour en haut